L'ENFANCE D'UN ART

Cuisiner, jardiner, imaginer : les végétaux nous invitent à une poésie infinie et tangible, à un prolongement de notre existence appelée à célébrer tout autant la terre que le ciel. Quoiqu’il advienne. Lorsque les temps sont difficiles, surtout quand ils le sont, le lien à la nature panse doucement craintes et blessures. À portée de main, dans une simple jardinière à la maison pour celles et ceux qui ne vivent pas aux abords d’un jardin ouvert à tous·te·s, sons, textures, couleurs, odeurs, saveurs, enchantent le quotidien.

Si leur modestie ne revendique aucun pouvoir, c’est justement ce dont nous avons besoin. Cette liberté. Une entente profonde, une connivence. À l’heure des abus politiques, sociaux et économiques en tout genre, notre autonomie s’évalue à l’aune de la simplicité. Et notre force s’en nourrit.

Quel rapport ? L’essentiel. Le sentiment d’être vivant. Beaucoup, aux antipodes des artifices de la richesse accumulée, contemplent depuis des générations le fruit de leurs efforts cultivé au potager familial. Souvenir d’un grand oncle, cheminot, qui ramassait au printemps de Bègles, dans le

Sud Ouest, des kilos de fèves toutes fraîches, plantées son carré de terre tiré à quatre épingles. Et d’une grand-mère dont le jardin abritait quasi secrètement des petites fraises d’un rouge tellement scintillant qu’il faisait briller les yeux des enfants que nous étions, avant que le gros cerisier ne nous convie à escalader l’échelle de bois qui prenait racine à son pied afin d’aller cueillir sur les branches nos boucles d’oreilles écarlates.

L’enfance d’un art. Celui d’être heureux de peu. De chevaucher son vélo sur les routes de campagne pour y respirer une solitude délicieuse, celle-là même qui fait germer en coulisses une sociabilité détendue et confiante. Un art à pratiquer tout au long des années qui s’écoulent, nous malmènent, souvent, nous brisent le cœur, parfois, mais nous voient habité·e·s par une lumière solaire, et lunaire, et stellaire : clarté insoupçonnée de notre humanité.