ALORS, ON DANSE !

On se disait qu’il faisait trop froid, parfois pas assez, trop gris aussi. Que les nuits étaient plus longues que nos jours. On se disait tant de choses. Et puis, on a ouvert les yeux, les oreilles… Les oiseaux chantaient au petit matin, les lilas étaient en bourgeons, le jour se comptait quotidiennement en une ou deux, ou trois minutes de plus, la lumière, quand il y en avait, avait revêtu des atours printaniers presque joyeux. Le mot était lâché. Le printemps, au début du mois de janvier, pointait déjà le bout de son nez et nous précipitait dans des abîmes existentiels qui nous renforcent, plus qu'ils ne nous abiment.

L’année dernière, ce n’était pas comme ça. C’est sûr. Pas vraiment sûr, mais on le croit bien. Le changement climatique se manifeste clairement, à la campagne. Et même en ville. D’ailleurs, les gros pulls en laine et les manteaux restent le plus souvent, cet hiver, au chaud dans les placards. Peut-être va-t-il falloir les donner ?

À des copains du Nord ou d'altitude, alors ! Parce qu’en plaine, en-dessous de la Loire, personne ne porte plus pulls et doudoune, ou si peu qu’il n’est sans doute pas nécessaire de leur accorder autant de place à la maison. Bon, encore une année, histoire de voir si le froid ne va pas nous tomber dessus un peu plus tard.

Printemps, ou pas printemps ? Le corps, son frémissement, son qui-vive à la moindre pâquerette sous la fenêtre, ne trompe pas. Printemps à l’horizon ! Si nous demeurons arrimés, en Occident, à notre calendrier pur et dur, d’autres rythmes nous interpellent. D’autres cultures. Au calendrier de médecine traditionnelle chinoise, par exemple, le printemps en 2023, s’inscrit le 4 février. On le sent donc bien, d’ores et déjà, arriver ! Et si cette confirmation de la justesse de notre intuition nous tenait lieu de boussole ? Au cas où nous serions désorientés par les pluies de mauvaises nouvelles qui ne manquent pas de tomber, sans attendre les giboulées de saison. D’ailleurs, les giboulées, en janvier, nous en avons également. Avec les chants d’oiseaux, les pâquerettes, les bourgeons des lilas.

Alors, on pleure ? Alors, on danse ! Parce que les effets du changement climatique, à notre porte, ont beau s’avérer inquiétants, stressants, voire angoissants, nous sommes toujours là. Contemplatifs, reconnaissants, bouleversés. Conscients de la gravité de la situation, bien sûr, mais animés, saisis, par ces manifestations de vie de la nature. Un combat ? Une paix. Une avancée dans l’harmonie intérieure, paradoxalement, une étape dans le discernement. Peut-être pas complètement l’éveil du Bouddha, pas tout de suite, mais le réveil de notre pulsion de vie à l’aune de notre lucidité, de notre compréhension de l’impermanence des choses.

En attendant d’être définitivement éteinte - le sera-t-elle un jour ? - la vibration du vivant nous appelle à une présence à l’instant, sensible et manifestée. Nous sommes ici et maintenant. Pour le reste, il sera temps de voir. Traversés par le mouvement des éléments naturels, se tient notre humanité, une intimité, tissée de peur et de grandeur, de vertige et d’équilibre, de découragement et d’espoir. La vôtre, la nôtre, ensemble.

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