UNE POINTE DE ROSE

Publié dans le TOPNATURE N°161

Du rose, au fond du jardin tissé de tous les verts possible, l’herbe, les noisetiers, les chênes, le grand pin, les feuilles de cassis, la menthe marocaine. Du rose, comme un signe d’attention, au loin, un surgissement. Un appel à l’instant.

Seule et unique rose trémière, aux graines portées par le vent, venue rendre visite aux chèvrefeuilles, à la glycine, aux clématites. Le regard vole jusqu’à elle, la vivacité de sa couleur, sa présence tendrement insistante, souveraine d’un réel par essence inattendu. Suspendu, le flux de la pensée. Et le geste, à la seconde même. Cette pointe de rose dans un paysage sauvage, vaste et intense, parle d’une pause nécessaire du coeur et de l’esprit. D’une délicatesse. Et d’une force intérieure.

La poésie n’exclut pas les combats. Au contraire, l’histoire l’a prouvé, elle les soutient depuis des siècles. Aujourd’hui, l’amour de la nature ne saurait témoigner d’harmonie sans que, immense et somptueux instrument de musique poétique, celui-ci ne soit accordé aux nécessités de l’époque. Les rapports du GIEC ne cessent de souligner la dissonance manifeste entre les attentes de l’homme et ses actes définitivement néfastes. Tout vouloir de la nature, de sa générosité subtile, et nuire aveuglément à son équilibre conduit à un désastre écologique, non pas à venir mais déjà à l’oeuvre. L’été et son cortège d’incendies sur la Terre n’a pas manqué d'en témoigner, sans ambiguïté aucune. Le temps nous est compté. À l’image de l’engagement de Béné, que nous interviewons dans ce numéro, les initiatives de sauvetage de la planète (il ne s’agit plus vraiment de protection) se doivent d’être globales. Manger BiO, veggie ou vegan, privilégier les produits d’entretien écologiques, tendre vers le zéro déchet… Si ces choix quotidiens se révèlent absolument nécessaires, en sont-ils pour autant suffisants ? La conscience des enjeux sociaux de ce qu’il est convenu d’appeler poliment "la crise environnementale", comme s’il s’agissait d’une crise et non d’un gouffre, d’un environnement et non d’une planète entière, cette conscience soutient la responsabilité de chacun envers chaque citoyen du monde, chaque être vivant. Que serait, en réalité, l’une sans l’autre ?

Déroulée, l’attention se déplace de l’autre côté du jardin, et perçoit le rose bonbon du cabanon. Écho ? Ou bien tempo ? L’on pressent une suite, un trait de nuance proche, et les roses anglaises se succèdent, fleuries, odorantes, offertes à la lumière. Exquis prolongement. Au nom d'une pointe de rose dans nos journées, comme le dit Béné, "Courage, amour, et rage !".

Ce numéro de TOPNATURE est dédié à Pauline, notre délicate relectrice, partie soudainement cet été.

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