CET ÉTÉ-LÀ

Publié dans le TOPNATURE N°167

Un couple de papillons dansant, par-dessus le toit, une couleuvre au pied du chêne, un parfum de fleurs d’albizia au seuil de la chambre, un hérisson au fond d’un trou, dans le jardin, une biche gourmande de rosiers, des figues fidèles au rendez-vous : courageuse, généreuse, la nature a bercé notre été au cœur d’une conscience blessée par la violence du climat, la violence des Hommes, leur aveuglement, leur obstination perverse. Et, pourtant, la poésie, chant subtil de chaque fleur, chaque feuille, chaque étamine, chaque brin d’herbe, chaque aile, chaque manifestation d’un invisible vibrant, pourtant… Ne pas oublier la poésie de la nature, ne pas la réduire, la reléguer, mais l’écouter en nous, autour de nous, l’accueillir : source, racine, prolongement, élan, elle nous constitue et nous anime. L’aimer, entre les lignes, dans toute cellule du vivant revient à s’aimer suffisamment soi-même pour continuer d’avancer, la joie, mêlée de larmes, au bord des yeux, dans les méandres de la solastalgie.

Trop chaud, trop sec, trop dur, cet été-là. Les flammes, dans les garrigues et les pinèdes, ont figé à jamais l’innocence. Impossible de ne plus penser, ne serait-ce que quelques instants, au réchauffement climatique, de ne plus porter l’inquiétude de voir nos plus proches compagnes, la flore et la faune enlacées, brûler et périr sous nos yeux. Derrière la dune du Pyla, en Gironde, la fumée noire se mariait, dans le ciel, à l’orangé du feu. Partout en Aquitaine, odeur, terrible, de la vie qui brûle. Enveloppés d’un brouillard épais, lourd et aigre, jusque dans nos terres du Périgord, à trois heures de route de ce sinistre embrasement de l’irresponsabilité chronique, nous avons ressenti, profond, le poids de la douleur écologique en temps réel.

Et l’eau. Qui manque, qui ne coule plus, dans nos campagnes, qui ne nous porte plus dans l’océan de la côte basque tant les particules de plastique, nouées par des algues toxiques, ont pris place entre et sur les rochers, dessinant un sinistre tableau, criant d’abus écologique. Cet été-là, le dérèglement climatique a bien failli venir à bout de notre mariage spirituel avec la poésie. Qu’est devenue, devant la sécheresse, notre soif d’absolu ? Ce qu’elle est devenue ? Un amour fou de la beauté, inextinguible amour. Ouvrir les yeux, le cœur, nourrir son corps et son esprit du moindre détail offert, cultiver sans relâche la reconnaissance éperdue : voilà ce que cet
été-là, sa cruauté, a enfanté. La douceur infinie de la compassion, inestimable trésor à la portée de tous.

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